Corinne Landais, son voyage personnel vers la CréActivité

Propos recueillis en octobre 2019 par Audrey Guiller, journaliste indépendante

Corinne Landais est aujourd’hui (ré)veilleuse de créativité : facilitatrice en créativité et formatrice en management. Elle accompagne les entreprises qui souhaitent booster leur créativité. À ceux ou celles qui lui affirment que la créativité « ce n’est pas pour eux », Corinne rétorque qu’on est tous créatifs, que nous sous-estimons souvent ce talent créateur. Elle-même a cheminé. Et son parcours a été semé de questionnements, de réorientations et de prises de risque.

L’enfant créative qui rangea ses crayons

Petite, Corinne passe son temps à dessiner et inventer des histoires. Son inventivité est freinée par le collège et les « matières officielles ». Bonne élève, elle se dirige vers un bac scientifique. « Je profitais de mon temps libre pour faire des croquis et de la peinture à l’huile. » 

Elle ne songe alors pas à un métier créatif, «peut-être par manque de confiance en moi».  Alors elle choisit de s’orienter vers le secteur de la publicité, un entre-deux. L’une des portes d’entrée est l’École des Beaux-arts. Elle tente le concours en 1990. «J’ai été refusée. J’ai rangé mes crayons en me disant que je n’étais pas assez douée. La créa, ce n’était pas pour moi.» Corinne emprunte la voie «plus sérieuse» d’une formation en commerce.  À vingt ans, elle devient commerciale dans un grand groupe de presse français. « Pendant dix ans, j’ai conseillé les clients qui voulaient publier des publicités.  J’atteignais mes objectifs.  Je faisais mon boulot. »

Un sentiment de vide

À trente ans, Corinne a «coché toutes les cases» : elle a un travail, une famille, une maison. Pourtant, elle ressent parfois un sentiment de vide inexplicable. Elle se rend compte qu’elle a mis sa passion de côté. Elle s’inscrit à un cours d’arts plastiques : «J’ai redécouvert le plaisir de créer, de toucher la matière, de tenter, de se tromper.» Plus elle nourrit sa partie créative, plus l’artiste en elle en redemande. Elle y consacre de plus en plus de temps et installe un atelier chez elle. Son quotidien est alors divisé en deux univers hermétiques : d’un côté le travail, de l’autre l’art.

La manageuse et la bataille navale

Cinq ans de management plus tard, Corinne se questionne de nouveau. Comment relier ces deux parties d’elle ? Pendant un an, elle se fait aider d’une coach pour imaginer une réorientation. Elle songe au métier de graphiste. «J’ai alors pris conscience qu’au lieu de changer de voie,  je pouvais remettre de la créativité dans mon job.  Au travail, en voulant être rationnelle, j’avais déconnecté mon cerveau créatif.» Corinne aère ses méthodes. Un conflit entre deux collègues ? Elle délocalise la prochaine réunion dans un bowling, pour faire équipe différemment. Elle décerne des prix de meilleurs buteurs aux commerciaux qui ont bien vendu un hors-série foot. Elle transforme des objectifs stressants en une partie de bataille navale géante. «J’ai compris qu’on pouvait être sérieux et encore plus performant tout en étant créatif et fun.»

« Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une réalité »

A partir de 2009, l’atelier d’artiste-sculpteur de Corinne est en ébullition. Elle commence à exposer ses œuvres plusieurs fois par an. Elle organise des ateliers d’initiation à la sculpture terre. «Je laissais de plus en plus aller mon élan créateur d’artiste. En suivant ce conseil d’un ancien professeur : arrête de te juger, de penser à ce que cela va donner et prend du plaisir à faire.» En étendant ce conseil à sa vie professionnelle, Corinne se lance dans un nouveau projet. Son expérience de manager lui a forgé cette conviction que les managers sont meilleur·es en faisant appel à leur créativité et à celle de leur équipe. Comment suivre cette intuition et continuer à faire grandir les gens ? Corinne se sent « à l’étroit » dans son entreprise et son costume de manager commerciale. « Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une réalité » cet adage de Saint Exupéry l’inspire et fin 2012, elle décide de vivre sa propre aventure d’entrepreneure et quitte son entreprise.

 

Transformer la peur en plaisir

Au départ : le flou, le vide. Comment transformer cette intuition en un vrai modèle économique ? Corinne se donne du temps pour enlever ce costume, se réinventer, expérimenter et se former. Pendant un an, elle suit une spécialisation « animation de la créativité en entreprise » au Conservatoire National des Arts et des Métiers de Paris. « Je me suis retrouvée dans un amphi, avec 40 personnes aussi passionnées que moi par la créativité. Génial, je ne suis pas seule à avoir cette conviction ! » Elle se taille peu à peu son nouveau costume : celui de facilitatrice. Celle qui aide un groupe à chercher des idées, à trouver des solutions. En tant que créatrice d’entreprise, « le frein qu’il a alors fallu surmonter, c’est moi-même : ma peur de ne pas être capable d’être à la hauteur, le syndrome de l’imposteur ». Le mot PLAISIR devient son moteur et remplace la peur. La peur de rater, de ne pas être parfaite, de ne pas être reconnue pour/par sa différence. Aujourd’hui c’est le plaisir qui l’anime pour oser, tenter, expérimenter.

 

Idéeïne, début d’une nouvelle aventure pour créActiver

En 2015, Corinne crée sa société, Idéeïne, qui accompagne les entreprises voulant booster leur CréActivité. Depuis, elle forme au management d’équipe ou de projets, à l’innovation collaborative et à la créativité pragmatique. Fin de l’aventure ? Vous croyez ? En 2018, Corinne obtient une certification de consultant formateur en intelligence créative, au sein du centre de formation en créativité : IRIS Créativité à Paris. Elle réalise son mémoire « Manager & CréActiver » qui sera à la genèse de ce livre. Elle commence aussi à travailler en duo avec Christophe Morin, pour créer des conférences et des formations basées sur des saynètes théâtrales autour du thème de « La puissance du & ». « Le parcours n’est jamais terminé, sourit l’intéressée. Cette année, j’ai accompagné des ateliers de créativité dans des univers complètement inédits et différents des PME : une prison, un service de l’armée. C’est fantastique ! Voilà comment je vois la suite : co-construire avec les client·es et mes partenaires pour continuer à créActiver : créer & agir, écouter mon intuition, continuer à prendre des risques… et kiffer ! »